Cour suprême du Canada – [2010] 2 R.C.S. 737
L’arrêt porte sur les relations de travail d’une agence œuvrant avec une clientèle autochtone. C’est une affaire de partage des compétences. Comme la nature essentielle des activités de l’organisme consiste à donner des services d’aide à l’enfance, elle est de nature provinciale, et non fédérale.
Si le caractère autochtone des activités de l’agence avait été prédominant, Native Child sera considéré comme une entreprise fédérale soumise aux lois fédérales.
Il ne fait aucun doute que l’identité des clients de Native Child influence, et devrait influencer, la façon dont l’agence dispense ses services, mais cela ne modifie pas la nature essentielle de ses activités (para. 11 du jugement).
Est-ce le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral qui a compétence sur les relations de travail de l’agence Native Child and Family service or Toronto?
Les relations de travail relèvent du gouvernement provincial. L’agence offre aux communautés autochtones des services adaptés à leur culture. La nature essentielle des activités de Native Child consiste toutefois à donner des services d’aide à l’enfance, ce qui relève de la compétence provinciale (jugement unanime).
Entre : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier
Et : Native Child and Family Services of Toronto
Intervenants: le Canada, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, la Labrador Health and Social Services Commission
Native Child a été créé en 1986 dans le but d’offrir des services d’aide à l’enfance aux familles autochtones de Toronto. Depuis 1987, c’est le ministre provincial des services sociaux de l’Ontario qui gère les relations de travail de l’agence.
Le gouvernement fédéral verse des fonds à Native Child, mais c’est la province qui finance la majeure partie des services.
En 2007, un syndicat canadien demande la permission de représenter les employés de Native Child. Native Child conteste cette demande devant le Conseil canadien des relations industrielles.
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier : Le caractère autochtone des activités de Native Child fait d’elle une entreprise fédérale, car les « Indiens » relèvent du fédéral. Ainsi, les relations de travail sont soumises au Code canadien du travail.
Native Child and Family Services of Toronto : Les relations de travail relèvent exclusivement de la province puisque l’activité essentielle de l’agence est de fournir des services d’aide à l’enfance.
Le Conseil canadien des relations industrielles : Le gouvernement fédéral a une compétence exclusive sur les Indiens en vertu de Loi constitutionnelle de 1867. Comme les relations de travail de Native Child touchent cette compétence, l’agence est soumise au Code canadien du travail.
La Cour d’appel fédérale : Les relations de travail relèvent plutôt de la compétence provinciale
Deschamps, Abella, Charron, Cromwell
La première étape consiste à déterminer si les activités de l’agence relèvent du fédéral ou du provincial. Cela demande un examen de la nature des activités habituelles de l’organisme. Les relations de travail sont toujours présumées relever de la compétence provinciale. Pour écarter cette présomption, les services offerts par la compagnie doivent être de nature fédérale.
Les clients de Native Child sont Autochtones, ainsi que la majeure partie des employés qui offrent un service adapté à la culture des communautés. Les Autochtones relèvent de la compétence fédérale.
Malgré tout, la nature essentielle des activités de Native Child est de fournir des services d’aide à l’enfance, ce qui relève du provincial. Le fait que ces services soient adaptés aux Autochtones n’écarte pas la présomption selon laquelle les relations de travail sont de compétence provinciale.
McLachlin, Binnie, Fish – concordants
Les relations de travail relèvent du provincial, et ce pour une seule raison : les fonctions de Native Child ne font pas partie de la compétence sur les Indiens.
Dans cette mesure, l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s’applique pas et n’écarte pas non plus la présomption qui prévoit que les relations de travail sont de compétence provinciale.
Cet arrêt a été rendu en même temps que NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union. Le but de ces deux jugements est de clarifier le test pour déterminer si les relations de travail entrent dans le champ de compétence du fédéral ou du provincial.
La Cour suprême confirme que les relations de travail sont présumées appartenir au champ de compétence des provinces. Pour faire échec à cette règle, les activités d’une entreprise doivent toucher le cœur même de la question indienne. Ce sera alors le fédéral qui sera compétent.
Gowlings. 2011. Test to determine the jurisdiction of Aboriginal employer-employee labour relations clarified by the Supreme Court of Canada. En ligne: http://www.gowlings.com/KnowledgeCentre/enewsletters/Aboriginal/HtmFiles/specialBulletin_20101223.en.html. Consulté le 26 juin 2013.
Schmitz, Cristin. 2010. Top court narrows federal power over aboriginal labour relations. The Lawyers’ Weekly 30 (27).
Wente, Maggie. 2011. Case Comment: NIL/TU,O Child and Family Services Society v. B.C. Government and Service Employees’ Union and Communication Energy and Paperworkers of Canada v. Native Child and Family Services of Toronto. Indigenous Law Journal 10 (1): 133-144.