Cour suprême du Canada – [1983] 1 R.C.S. 554
La Cour suprême applique l’arrêt St. Catherine’s Milling et confirme que la cession de terres réservées pour les Autochtones y éteint la compétence de la Couronne fédérale. Cette dernière n’a compétence sur les terres réservées aux Indiens que jusqu’à ce que ceux-ci les cèdent
Une fois cédées par les Indiens au profit desquels elles ont été mises de côté, les terres «réservées» échappent en droit à la compétence législative dont la Constitution investit le Parlement (p. 564 du jugement).
L’acte de cession de 1895 entre les Autochtones et la Couronne du Canada a-t-il éteint les droits de la Couronne sur les terres, détenus en vertu du paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867?
La Couronne du Canada n’a aucun droit sur les terres, dont la province a toujours eu la propriété. Le paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 n’a fait que donner la charge de ces terres au gouvernement fédéral pour qu’il s’en occupe dans l’intérêt des Autochtones. Lorsque les Autochtones ont fait la cession absolue de leurs terres, cela a éteint la compétence du fédérale (décision unanime).
Entre : Gilbert A. Smith
Et : la Couronne du Canada, agissant pour le compte de la bande d’Indiens de Red Bank
Intervenants : L’Ontario et le Québec
En 1783, alors que le Nouveau-Brunswick était encore une colonie, les terres en cause sont cédées aux Indiens Micmacs. En 1838, Ebenezer Travis est le premier non-Indien à occuper ces terres.
En 1895, les Indiens cèdent des terres faisant partie de la réserve de Red Bank à la Couronne fédérale pour qu’elle les vende à leur profit – ce qu’elle ne fait pas. Ebenezer Travis et son fils, qui lui succède, continuent à occuper ces terres jusqu’en 1898. La succession les vend ensuite à la famille Mutch. En 1952, Isaac Mutch vend les terres à Gilbert Smith.
En 1958, la province du Nouveau-Brunswick signe une convention avec le gouvernement fédéral pour lui céder certaines terres cédées par les Indiens. Les terres en cause n’ont pas été vendues ou transférées à quiconque par la suite.
En 1973, la Couronne, au nom de la bande d’Indiens de Red Bank, demande à la Cour fédérale de déclarer que les terres de Smith appartiennent en fait au gouvernement fédéral, car elles font partie d’une réserve indienne.
Smith : La terre lui appartient depuis 1952. L’occupation longue et ininterrompue depuis 1838 lui permet d’acquérir le titre de propriété des terres.
La Couronne du Canada : Les Indiens leur ont cédé les terres en 1985, et jamais elles n’ont été vendues par la suite. Il en a donc encore la possession, et ce en vertu du paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867
Cour fédérale : Une succession de gens ont possédé la terre de 1838 à 1973. Ce laps de temps est suffisant pour acquérir le titre de propriété de la terre et Smith est donc propriétaire.
Cour d’appel fédérale : Le jugement est infirmé. La preuve ne suffisait pas à conclure que la possession avait été exercée assez longtemps et de façon ininterrompue. De toute façon, la loi provinciale sur la prescription ne peut pas éteindre le droit du gouvernement fédéral sur ces terres, assuré par le paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867.
Laskin, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard
En 1895, les Indiens ont procédé à la cession absolue et sans restriction des terres au profit de la Couronne fédérale. Le fait que le gouvernement fédéral détienne l’argent de la vente et l’administre pour les Autochtones ne change pas la nature de cette cession de terres.
La Couronne fédérale est la seule à avoir la compétence sur les Indiens et leurs terres en vertu du paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les Autochtones doivent donc obligatoirement céder leurs terres à la Couronne du Canada s’ils veulent les vendre. Toutefois, lorsque des terres réservées sont ainsi cédées à la Couronne, ils éteignent la compétence du gouvernement fédéral à leur égard.
Dans le cas ci-présent, les réserves ont été constituées par la colonie du Nouveau-Brunswick et le gouvernement du Canada n’en a jamais eu la propriété. Une cession absolue vient dire que les terres ne servent plus au Indiens, donc le gouvernement fédéral n’a plus de compétence dessus. Le droit fondé sur le paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 est éteint, les terres reviennent donc au Nouveau-Brunswick.
La Convention de 1958 ne vise pas les terres en cause, donc elle ne change rien au fait que ces terres appartiennent au Nouveau-Brunswick.
En conclusion, la Couronne n’a aucun droit sur ces terres, et elle n’avait donc pas non plus le pouvoir d’aller devant une cour de justice à cet effet.
Cet arrêt vient compléter St. Catherine’s Milling and Lumber Co. v. The Queen (1888), 14 App. Cas. 46 et statuer une fois pour toutes qu’une cession absolue emporte nécessairement l’extinction des droits conférés à la Couronne par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 (Isaac, 2004).
De ce fait, les droits des Autochtones sur les terres anciennement réservées disparaissent aussi.
St. Catherine’s Milling and Lumber Co. v. The Queen (1888), 14 App. Cas. 46
Renverse Surrey (Corpn.) v. Peace Arch Enterprises Ltd. (1970), 74 W.W.R. 380 (C.A.C.-B.)
Isaac Thomas. 2004. Aboriginal Law : commentary, cases and materials, 3rd ed. Saskatoon : Purich Pub.