Cour suprême du Canada – [1999] 1 R.C.S. 393
L’arrêt Sundown confirme que les Autochtones ont le droit de construire des campements, mêmes permanents, sur les terres publiques, si cette construction est accessoire à la pratique de leurs droits ancestraux. Le droit de construire ces camps étant toutefois collectif, un membre ne pourrait en interdire l’accès aux autres.
La construction d’un abri est-elle une pratique accessoire au droit de chasser pour se nourrir protégé par un traité?
Oui, la construction d’un abri dans ce cas est une pratique moderne accessoire au droit de chasser pour se nourrir, et elle ne contrevient pas aux objectifs du parc. Elle est donc légale (décision unanime).
Entre : la Couronne du Canada
Et : John Sundown
Intervenants : le Québec, Manitoba et l’Alberta
En 1930, la Convention sur le transfert des ressources naturelles conclue par la Saskatchewan et le gouvernement fédéral éteint le droit de chasser des Premières Nations visées par le traité nº 6 à des fins commerciales, mais élargit les zones où les Indiens ont le droit de chasser pour se nourrir (tel que déterminé dans l’arrêt Horseman).
En 1992, Sundown, un Indien cri membre de la Première Nation de Joseph Bighead, partie au traité nº 6, coupe du bois dans le parc provincial Meadow Lake en Saskatchewan. Le bois visait à construire une cabane en rondins pour se loger, fumer du poisson et de la viande et dépouiller des animaux à fourrure, tout en pratiquant des activités de chasse de subsistance. Le Parks Regulations provincial interdit la construction d’une habitation temporaire ou permanente sur les terres du parc et la coupe d’arbres sans autorisation. Sundown est inculpé pour les deux infractions
Sundown : La construction d’un abri constitue une pratique accessoire aux droits de chasse détenus par sa nation en vertu du traité nº 6. Les membres de la bande participent de manière traditionnelle à des expéditions de chasse sur leurs terres ancestrales situées dans les limites du parc. Lors de ces expéditions, des abris sont construits à titre de camp de base pour des périodes variant d’un jour à deux semaines. Les abris en appentis recouverts de mousse qui étaient utilisés à l’origine ont ensuite été remplacés par des tentes, puis par une petite cabane en rondins.
La Couronne : Même si la construction d’un abri devait être considérée comme une pratique accessoire, un abri permanent comme une cabane en rondins ne pouvait être autorisé, car cela permettrait à Sundown de faire valoir un droit de propriété sur les terres du parc.
Cour provinciale de la Saskatchewan (1994) :Sundownest reconnu coupable d’avoirconstruit une cabanepermanente dans unparc provincialsansautorisation.
Cour du Banc de la Reine (1995) :Ledroitdechasserdoit inclurele droitde pratiquer des activités accessoires, y comprisla construction d’unecabane en rondins. De plus, laconstructionde lacabanene contrevient pas aux objectifsduparcen ce qui a trait à l’utilisation desterres.
Cour d’appel de la Saskatchewan (1997) : Décision confirmée.
Lamer, L’Heureux-Dubé, Cory, McLachlin, Iacobucci, Bastarache, Binnie
La construction de la cabane était accessoire aux pratiques traditionnelles de chasse de la nation. Un examen attentif de la pratique historique et contemporaine du droit de chasser pour se nourrir par la nation de Joseph Bighead permet de conclure que la construction d’un abri fait toujours partie des activités d’une expédition de chasse. Sans la construction de tels abris, les membres de la nation de Joseph Bighead ne seraient pas en mesure d’exercer leur droit issu de traité. Une personne raisonnable et bien informée au sujet du fonctionnement des expéditions de chasse traditionnelles pratiquées par la bande de Sundown au moment de la signature du traité nº 6 conclurait que la construction d’une cabane en rondins comme abri constitue une méthode moderne accessoire au droit de chasser pour se nourrir.
Même si les cabanes sont permanentes, le droit de construire des abris de chasse est un droit collectif qui appartient à la première nation de Joseph Bighead. Il s’agit d’un droit issu de traité qui ne peut pas être examiné de la même manière que le droit de propriété en common law. Sundown ne pourrait interdire l’accès à l’abri aux autres membres de la Première Nation. Les seules limites à la permanence sont la compatibilité avec l’occupation de la Couronne et la législation provinciale pour des motifs de conservation.
Une telle législation respecterait les normes de justification énoncées dans l’arrêt Sparrow si le parc était une forêt vierge, par exemple. Puisque le parc provincial Meadow Lake compte un grand nombre de cabanes et d’autres installations, le droit de chasser de Sundown ne contrevient pas à l’objet de ces terres de la Couronne.
Les provinces demandent en général que les citoyens obtiennent des permis pour pouvoir ériger des constructions sur les terres publiques. Au Québec, la Loi sur les terres du domaine de l’État indique (para. 54) que « Nul ne peut ériger ou maintenir un bâtiment, une installation ou un ouvrage sur une terre sans une autorisation du ministre ayant l’autorité sur cette terre. Cette autorisation n’est pas requise dans l’exercice d’un droit… ». La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune indique à l’article 24.1 que le gouvernement est autorisé à conclure avec toute communauté autochtone représentée par son conseil des ententes sur l’exploitation de la faune (chasse, piégeage, etc.) et l’utilisation du territoire (construction de campements par exemple).
Le Québec a négocié plusieurs ententes avec des Nations autochtones, comme les Hurons-Wendat, pour la construction temporaire de camps ou la location exclusive de chalets à certaines périodes de l’année. Toutefois, ces ententes sont temporaires et ne sont pas systématiquement renouvelées.
En mars 2009, le Conseil de la Nation huronne-wendat a adopté une Loi concernant l’aménagement de sites et de constructions en milieu forestier à des fins d’activités coutumières sur le Nionwentsïo. La Loi a pour objet d’encadrer l’exercice des droits collectifs de la Nation huronne-wendat concernant l’aménagement de sites accessoires à ses activités coutumières.
L’arrêt Sundown a renforcé le droit des bénéficiaires de traité d’utiliser les terres de la Couronne pour leurs activités traditionnelles en faisant reconnaître le droit accessoire de construire une cabane. Il a aussi augmenté la pression sur les gouvernements provinciaux de consulter les Indiens inscrits concernant l’utilisation des terres de la Couronne. À la suite de la décision, le ministère de l’Environnement et de la Gestion des ressources de la Saskatchewan a accepté de consulter les Indiens inscrits concernant la construction d’abris dans les parcs provinciaux (Chwialkowska et Howes, 1999 : A9).
L’Ontario a adopté une politique pour faire mettre en application l’arrêt Sundown sur son territoire, et surtout pour mettre en balance les intérêts des Autochtones et des autres utilisateurs du territoire. Un système de permis est maintenu.
R. c. Horseman, [1990] 1 R.C.S. 901
R. c. Morris, [2006] 2 R.C.S. 915
R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456
R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 533
Chwiakowska Luiza et Carol Howes. 1999. Cree man build cabin in provincial park: Court—Native rights rulling could affect oil, forest industries, National Post, March 26, 1999.
De Marco Jerry V. 2007. The Supreme Court of Canada’s Recognition of Fundamental Environmetal Values: What Could Be Next in Canadian Environmental Law?, Journal of Environmental Law and Practice 17: 159-204.