R. c. Mousseau

Cour suprême du Canada – [1980] 2 R.C.S. 89


Manitoba Application des lois aux AutochtonesTraité
Sommaire

L’arrêt porte sur l’accès aux chemins publics pour chasser. La Cour détermine que les routes sont des terres occupées par la Couronne, mais que les Autochtones peuvent y pratiquer la chasse de subsistance sans être soumis aux règlements du Wildlife Act lorsqu’ils y détiennent un droit d’accès.

Par contre, elle définit restrictivement le « droit d’accès » – ce n’est pas un droit d’entrée général. Il faut qu’il vise spécifiquement l’exercice du droit ancestral.

Question

Mousseau est-il coupable d’avoir chassé l’orignal hors saison et avec des instruments lumineux, contrairement au Wildlife Act?

Décision

Mousseau est coupable d’avoir enfreint le Wildlife Act. Les Autochtones ont un droit d’accès au chemin public, mais cela ne leur donne pas un droit de chasse en vertu de la Convention sur les ressources naturelles. Ils sont soumis aux dispositions du Wildlife Act (décision unanime).

Parties

Entre : Lawrence Matthew Mousseau

Et : la Couronne du Manitoba

Faits

Lawrence Mousseau est un Indien. En octobre 1976, il a été arrêté alors qu’il abattait un orignal sur la route provinciale 265. Il chassait pour se nourrir.

Il avait repéré l’animal à l’aide d’une torche électrique, et l’a tué même si ce n’était pas la saison de la chasse.

Mousseau est accusé d’avoir chassé hors saison en utilisant un appareil lumineux, contrairement au Wildlife Act.

La Convention sur les ressources naturelles prévoit le transfert, du Canada à la province du Manitoba, des ressources naturelles situées dans les limites de celle-ci. La clause 13 prévoit que :

Pour assurer aux Indiens de la province la continuation de l’approvisionnement de gibier et de poisson destinés à leurs support et subsistance, le Canada consent à ce que les lois relatives au gibier et qui sont en vigueur de temps à autre dans la province, s’appliquent aux Indiens dans les limites de la province; toutefois, lesdits Indiens auront le droit que la province leur assure par les présentes de chasser et de prendre le gibier au piège et de pêcher le poisson, pour se nourrir en toute saison de l’année sur toutes les terres inoccupées de la Couronne et sur toutes les autres terres auxquelles lesdits Indiens peuvent avoir un droit d’accès.

Arguments

Mousseau : Les Autochtones au Manitoba ont un droit d’accès aux chemins publics et peuvent y chasser. En vertu de la clause 13 de la Convention, ils ont le droit de chasser pour leur subsistance même si ce n’est pas la saison. Le Wildlife Act n’est pas applicable.

La Couronne du Manitoba : Les Indiens n’ont aucun droit d’accès aux chemins publics pour y chasser. Ils n’ont donc pas le droit à la protection de la clause 13 de la Convention. Mousseau doit être reconnu coupable d’avoir violé les disposions du Wildlife Act.

Décisions des tribunaux inférieurs

La Cour des juges provinciaux de Neepawa : Mousseau est coupable.

La Cour du comté de Minnedosa : Confirme la décision antérieure.

La Cour d’appel du Manitoba : Mousseau n’est pas coupable.

Motifs

Jury

Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Etsey, McIntyre, Chouinard

Raison

La clause 13 de la Convention sur les ressources naturelles protège le droit des Autochtones de chasser pour leur subsistance.

En vertu de cette clause, les Autochtones ne sont pas soumis aux règlements provinciaux comme le Wildlife Act si, pour se nourrir, ils chassent (a) sur des terres inoccupées de la Couronne ou (b) sur des terres occupées où la loi donne un droit d’accès pour chasser ou (c) sur des terres privées occupées où ils ont un droit d’accès.

Les Autochtones ont un droit d’accès général sur les chemins publics, mais ce n’est pas suffisant pour donner un droit illimité à la chasse de subsistance. Ils doivent avoir un droit d’accès spécifiquement pour la chasse s’ils veulent abattre des animaux sur une terre occupée par la Couronne.

Comme la chasse n’est pas une des raisons pour lesquelles les chemins sont ouverts au public, Mousseau n’avait pas le droit d’y chasser. Il ne bénéficie donc pas de la protection accordée par la clause 13 de la Convention.

En conclusion, le Wildlife Act s’applique et Mousseau est coupable d’avoir chassé illégalement en dehors de la saison et avec des instruments lumineux.

Impact

Le jugement est important relativement à la définition qu’il donne du droit d’accès. Les juges précisent pour la première fois que le droit d’accès ne peut pas être un droit d’entrée général. Pour donner lieu à la protection de la Convention, le droit d’accès doit concerner la chasse. Cette clarification sera utilisée dans des arrêts de plus grande importance comme R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771 (Isaac, 2004).

La Cour laissent toutefois entendre que la chasse sur les routes est toujours dangereuse. Certains arrêts postérieurs ont pris une tangente différente.

En effet, dans l’arrêt R. c. Fiddler, la Cour provinciale de la Saskatchewan a conclu que l’accusé avait le droit de chasser pour se nourrir sur une route de terre, et que les lois provinciales ne pouvaient limiter ce droit. Dans R. c. Bruyere, la Cour d’appel du Manitoba a statué que de chasser pour se nourrir sur une route forestière qui permet l’accès aux véhicules routier est aussi un droit protégé.

Ces deux jugements rendus par des cours inférieures suggèrent que certaines routes de moindre importance donnent un droit d’accès pour la chasse. Le danger que représente la chasse dans ces secteurs ainsi que l’utilisation faite de ces petites routes ont convaincu les juges que le droit d’accès pour chasser était permissible. Dans les deux cas, on a utilisé la coutume et l’usage comme fondement alors que dans Mousseau, les juges se basent plutôt sur la common law (Pozniak, 2005).

Voir Aussi

Lire avec La Reine c. Sutherland et autres [1980] 2 R.C.S. 451

Sur les terres privées : R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771


Sources

Isaac Thomas. 2004. Aboriginal Law : commentary, cases and materials, 3rd ed. Saskatoon : Purich Pub.

Pozniak, Kristy. 2005. “Modification, Infringement, and the « Visible, Incompatible » Test: The Impact of R. v. Badger on Treaty Hunting Rights in the Prairie Provinces.” Saskatchewan Law Review 68: 403-434.

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