Cour supreme du Canada – [1988] 1 R.C.S. 187
Cette affaire concerne l’application des lois provinciales aux Autochtones lorsque ces derniers exercent des droits ancestraux de chasse, protégés par traité, sur des terres privées.
La Cour a accepté d’interpréter le traité historique à la lumière de preuve externe, historique, mais a néanmoins refusé de reconnaître l’application des droits à des terres privées.
Les Indiens ont-ils le droit de chasser sur des terres privées en Saskatchewan?
Les Indiens n’ont pas le droit de chasser sur des terres privées – leur traité ne leur confère pas de droit (décision unanime).
Entre : Ernest Horse, Clement Horse, Phillip Horse, Peter Horse, James Standingwater, Kenneth Standingwater, Clarence Fiddler et Percy Alexander
Et : la Couronne de la Saskatchewan
En 1929 et 1930, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta signent des conventions distinctes avec le gouvernement fédéral pour le transfert de la propriété des terres de la Couronne et des ressources naturelles aux provinces. Les conventions sur le transfert des ressources naturelles entrent en vigueur lors de l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1930. L’article 12 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles de la Saskatchewan accorde aux Indiens le droit de chasser et de pêcher pour leur subsistance sur les terres de la Couronne et sur les terres privées sur lesquelles ils possèdent un droit d’accès.
En 1982, Horse et les autres sont accusés d’avoir illégalement chassé la nuit en utilisant des projecteurs au cours des mois de septembre, octobre et novembre. La chasse a eu lieu sur des terres privées. Les hommes, des Cris parties au Traité no 6, n’avaient pas reçu la permission de chasser sur ces terres, mais aucun panneau n’indiquait qu’il était interdit d’y chasser. Ils ont été accusés d’avoir contrevenu à l’article 37 de la Wildlife Act de la Saskatchewan, qui interdit la chasse avec projecteur.
L’article 38 de la Wildlife Act prévoit qu’il est interdit de chasser en présence d’écriteau, sauf si on a eu le consentement du propriétaire ou qu’on respecte les directives affichées. Il est par ailleurs précisé qu’en l’absence d’écriteau, le propriétaire « n’est pas de ce seul fait réputé avoir consenti implicitement à ce qu’on pénètre sur son bien‑fonds ni avoir accordé implicitement un droit d’accès à son bien‑fonds pour y chasser. »
Horse et les autres : L’article 38 de la Wildlife Act, la coutume, l’usage et le traité no 6 leur accordent un droit d’accès aux terres privées sur lesquelles ils chassaient, ce qui leur permet de bénéficier d’une immunité contre toute poursuite.
La Couronne de la Saskatchewan : Les Indiens n’avaient pas le droit de chasser sur des terres privées
Cour provinciale de Saskatchewan (1983) : Les Indiens sont coupables de l’infraction.
Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan (1984) : Le verdict de culpabilité est infirmé.
Cour d’appel de Saskatchewan (1984) : La déclaration de culpabilité est rétablie.
Beetz, Estey, McIntyre, Lamer, Wilson, Le Dain, L’Heureux‑Dubé
L’article 38 de la Wildlife Act ne crée pas un droit d’accès aux terres privées pour y chasser. Par conséquent, les chasseurs qui ne possèdent pas les autorisations des propriétaires sont des intrus.
La présence ou non d’un avertissement a simplement pour effet de créer une infraction distincte et n’accorde pas aux Indiens un droit de passage sur une propriété privée. Cette affaire est différente des arrêts Moosehunter et Sutherland, parce que les infractions reprochées avaient alors été commises sur des terres de la Couronne, ce qui n’est pas le cas ici.
Le contenu du Traité no 6 est clair et explicite : le droit de chasse des Indiens ne s’étend pas aux terres privées. Lorsqu’on examine les passages relatifs aux négociations, en fonction des divers traités, il ressort clairement que, si les Indiens avaient le droit de conserver leur mode de vie en se livrant à la chasse, le maintien de ce droit n’emportait pas l’autorisation de pénétrer sur des terres privées appartenant à des colons et occupées par ceux-ci. L’objectif du gouvernement était de coloniser les Prairies, au profit des colons et des Indiens. Dans le cas des Indiens, le gouvernement souhaitait qu’ils se tournent vers l’agriculture comme moyen principal de subsistance au lieu de la chasse, et pour ce faire avait limité leur droit de chasse aux terres de la Couronne.
Les Cris n’ont par ailleurs pas présenté suffisamment de preuve à la Cour pour lui permettre de conclure à l’existence d’une coutume ou d’un usage leur donnant le droit de chasser sur les terres en question.
R. c. Horse est la première décision de la Cour suprême dans laquelle l’utilisation de la preuve extrinsèque au traité est permise, même si ses termes sont clairs. Ce principe d’interprétation des traités est confirmé de manière définitive deux ans plus tard dans les arrêts Sioui et Marshall I (Christie, 2000 : 147)
En 1998, la Wildlife Act de la Saskatchewan est modifiée pour inclure une interdiction de chasser sur des terres privées lorsqu’un écriteau ou une affiche lisible prévoit une telle interdiction (Pozniak, 2005 : 421-422). L’absence d’un tel écriteau ne peut être réputée comme permettant l’accès aux terres privées aux fins d’y chasser par les par les chasseurs ou les Indiens exerçant leurs droits issus de traités (Wildlife Act, art. 41).
Sur le droit d’accès aux terres privées :
Myran c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 137;
McKinney c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 401
En matière d’activités traditionnelles sur des terres publiques :
R. c. Sutherland, [1980] 2 R.C.S. 451
Moosehunter c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 282
En matière d’interprétation des traités :
R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025
R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771
Wildlife Act, 1998, S.S. 1998, c. W-13.12
Christie Gordon. 2000. “Justifying Principles of Treaty Interpretation”, in Queen’s Law Journal 26: 143-224.
Pozniak Kristy. 2005. ”Modification, Infringement, and the « Visible, Incompatible” Test: The Impact of R. v. Badger on Treaty Hunting Rights in the Prairie Provinces », in Saskatchewan Law Review 68 : 403-434é