Myran c. La Reine

Myran c. La Reine Cour suprême du Canada – [1976] 2 R.C.S. 137


Manitoba Droits ancestraux
Sommaire

La Cour met en balance le droit des Autochtones de chasser pour se nourrir et celui des autres Canadiens à la sécurité. Elle conclut qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux, et que l’un n’empiète pas sur l’autre – les Autochtones doivent exercer leurs droits de manière à préserver la sécurité d’autrui.

Question

La Couronne peut-elle porter atteinte à un droit de chasser pour se nourrir issu d’un traité pour des raisons de sécurité?

Décision

Oui, le droit de chasser peut être limité pour assurer la sécurité d’autres personnes. Il n’y a pas de contradiction entre ces deux droits (décision unanime).

Parties

Entre : Joseph Myran, James Meeches, Dorene Meeches et Ruthie Myran

Et : la Couronne du Manitoba

Faits

Les Myran et les Meeches dans cette affaire sont des Indiens visés par le traité no. 1, membres de la Première nation Long Plain et résidants de la réserve indienne Long Plain au Manitoba.

En 1971, ils sont pris à chasser avec des lanternes à North Cypress, au Manitoba, sur des terres appartenant à un agriculteur local non loin de maisons, de routes, de chemins de fer, de pâturages, d’une ville et une station génétique.

Ils sont accusés d’avoir chassé sans égard pour la sécurité des autres contrairement aux dispositions de la Wildlife Act (1er chef). Ils sont également été accusés de chasser la nuit au moyen d’éclairage ou d’un réflecteur dans le but de tuer, piéger ou capturer un animal ou de l’attirer ou de créer de la confusion chez un animal dans le but de le tuer, de le piéger ou de le capturer contrairement aux dispositions de la Wildlife Act (2e chef).

Arguments

Myran et ses coaccusés : Le droit de chasser pour se nourrir est « inconditionnel et sans réserve », et des limites ou des contraintes telles que celles énoncées dans le Wildlife Act ne peuvent s’appliquer à des Autochtones (les arguments reposent sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Prince et Myron c. La Reine)

La Couronne du Manitoba : Les droits accordés aux Autochtones peuvent comporter certaines limites et doivent être exercés de manière raisonnable.

Décisions des tribunaux inférieurs

Cour des magistrats du Manitoba (1972) : À titre d’Indiens assujettis à un traité, les coaccusés avaient le droit de chasser pour se nourrir sur les terres inoccupées de la Couronne. Par conséquent, ils ne sont pas assujettis à l’article 19 de la Wildlife Act. Par contre, ils ne sont pas à l’abri de l’application des articles de la Wildlife Act concernant la sécurité d’autres personnes. Ils sont donc reconnus coupables en vertu du premier chef d’accusation.

Cour de comté du Manitoba (1972) : Confirme les déclarations de culpabilité des accusés.

Cour d’appel du Manitoba (1973) : L’obligation de tenir compte de la sécurité des autres, c’est-à-dire d’exercer les droits de manière raisonnable, ne porte pas atteinte à leur droit ancestral de chasser. Par conséquent, l’article 10 de la Wildlife Act s’applique aux Indiens, et les condamnations ont été maintenues.

Motifs

Jury

Laskin, Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, de Grandpré

Raison

Il existe une distinction entre la présente affaire et l’arrêt Prince et Myron c. La Reine.

 Dans ce cas, il était question de méthodes de chasse utilisées par des Indiens assujettis à un traité ne pouvant être limitées par une loi provinciale, tandis que la présente affaire portait sur la protection de la vie humaine.

La décision précise que le droit ancestral de chasser pour se nourrir ne doit pas être interprété comme ayant préséance sur la vie d’autres personnes. Il n’y a pas de contradiction entre le fait de chasser pour se nourrir et de respecter la sécurité d’autrui.

Impact

Avant 1970, les juges limitent la portée des droits ancestraux en statuant qu’ils doivent s’incliner devant les lois provinciales et fédérales, selon les circonstances. Dans les années 70, les tribunaux se penchent davantage sur le but poursuivi par la loi qui limite ou empêche l’exercice des droits ancestraux. On en conclut que si le but poursuivi par la loi est impérieux, alors il permet d’écarter ou d’éteindre le droit ancestral. C’est dans ce contexte jurisprudentiel que l’arrêt Myran a été rendu (Lajoie, 2004).

Myran est le premier jugement qui établit que le droit ancestral de chasse n’est pas incompatible avec l’exercice de ce droit de façon à ne pas compromettre la sécurité du chasseur et d’autrui. La sécurité du public est maintenant un principe solidement ancré dans la jurisprudence, puisque Myran a été repris dans plusieurs arrêts comme Sundown, Moosehunter et Sutherland. C’est finalement l’arrêt Morris, en 2006, qui confirme que les droits ancestraux ne comportent pas le droit de chasser d’une manière qui met en danger la sécurité du public (Morris, 2006).

Certains auteurs pensent que si l’arrêt Myran avait été entendu quelques années plus tard, soit après la reconnaissance des droits ancestraux en 1982, les juges auraient été obligés de modifier leurs discours et de procéder à une analyse plus approfondie des droits revendiqués (Walsh, 2008).

Voir Aussi

Prince et Myron c. La Reine, [1975] R.C.S. 81

 R. c. Morris, [2006] 2 R.C.S. 915

Moosehunter c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 282


Sources

LAJOIE, Andrée et GELINEAU-ASSERAY, Éric. 2004. Les conceptions canadiennes des droits ancestraux. In Article de la revue juridique Thémis – Droit Autochtones.[ 38 R.J.T. 489] Disponible en ligne : http://www.editionsthemis.com/uploaded/revue/article/rjtvol38num2/gelineau_lajoie.pdf  .Consulté le 5 août 2013.

WALSH, Francis. 2008. L’utilisation du domaine de la preuve par la Cour suprême du Canada dans la détermination des droits économiques des Autochtones conformément à ses propres valeurs. In Bibliothèque de droit-Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures. En ligne : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/3527/12062028.pdf?sequence=2. Consulté le 5 août 2013.

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