La Reine c. Drybones

Cour suprême du Canada – [1970] R.C.S. 282


Territoires du Nord-Ouest CriminelDiscriminationLoi sur les Indiens
Sommaire

L’arrêt porte sur la discrimination qui peut découler de la Loi sur les Indiens. Ici, la Cour a jugé que la Loi était discriminatoire parce qu’elle empêchait aux Indiens de faire quelque chose que le reste de la population pouvait faire.

L’arrêt a été en partie réfuté quatre années plus tard dans l’affaire Lavell.

Question

L’article 94 de la Loi sur les Indiens, qui prévoit qu’un Indien qui est ivre hors d’une réserve est coupable d’une infraction, contrevient-il à la Déclaration canadienne des droits, et ce faisant est-il inopérant?

Décision

L’article qui prévoit qu’un Indien qui est ivre hors d’une réserve est coupable d’une infraction contrevient à la Déclaration et doit être déclaré inopérant (5 juges contre 4).

Parties

Entre : la Couronne du Canada

Et : Joseph Drybones

Faits

En 1967, Joseph Drybones, un Indien inscrit des Territoires du Nord-Ouest, est trouvé ivre sur le terrain de l’hôtel Old Stope à Yellowknife.

Il est alors accusé d’avoir été illégalement ivre hors d’une réserve en contravention des dispositions du paragraphe 94 (b) de la Loi sur les Indiens, et ce, même s’il n’y a pas de réserve indienne dans les Territoires du Nord-Ouest. La Loi sur les Indiens prévoit une peine plus sévère pour l’infraction d’ivresse publique que la Liquor Ordinance, qui s’applique aux non-Indiens.

Drybones est condamné à une amende de 10 $, plus frais.

Arguments

Drybones : En raison de la Loi sur les Indiens, les Indiens sont, par leur race, privés de « l’égalité devant la loi » dont jouissent les autres Canadiens. En conséquence, le paragraphe 94(b) de la Loi sur les Indiens autorise la suppression, la diminution ou la transgression d’un droit de la personne et d’une liberté fondamentale reconnus et existants pour tout individu au Canada.

La Couronne du Canada : Le Parlement possède la compétence législative sur les Indiens. Par conséquent, son traitement des Indiens est inévitablement différent, sans que cela ne soit nécessairement discriminatoire. La Déclaration des droits est un outil d’interprétation servant à évaluer la législation, et non un texte ayant préséance sur les compétences du Parlement.

Décisions des tribunaux inférieurs

Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest (1967) : L’accusé est acquitté des charges qui avaient été portées contre lui, car les dispositions de la Loi sur les Indiens contrevenaient à la Déclaration canadienne des droits. Drybones, qui ne parlait pas anglais, avait d’abord plaidé coupable, mais il a pu retirer son plaidoyer, car le juge a jugé qu’il n’avait pu évaluer pleinement les conséquences de ce plaidoyer.

Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest (1967) : Le jugement de première instance est maintenu.

Motifs

Jury

Fauteux, Martland, Judson, Ritchie, Spence. Hall a rédigé une opinion concordante.

Raison

L’ivresse dans un lieu public ne constitue pas une infraction pour les citoyens des Territoires du Nord-Ouest, à l’exception des Indiens.

Or l’article 1 de la Déclaration  canadienne des droits reconnaît l’égalité de tous devant la loi et interdit la discrimination fondée sur la race. Par conséquent, le paragraphe 94(b) devait être déclaré inopérant.

Les dispositions de la Déclaration  canadienne des droits adoptée en 1960 sont rétroactives, ce qui signifie qu’elles s’appliquent à toutes les lois du Parlement édictées avant ou après son entrée en vigueur, à moins d’une stipulation expresse à l’effet contraire énonçant qu’une loi n’est pas visée par la Déclaration  canadienne des droits.

Impact

L’arrêt Drybones a été célébré comme une victoire par les peuples autochtones du Canada et les organismes de défense des droits civils. Le principal résultat de la décision a été de rendre le paragraphe 94(b) de la Loi sur les Indiens inopérant.

Malgré les espoirs suscités par la décision afin qu’elle pave la voie à d’autres verdicts de discrimination, l’arrêt Drybones est demeuré un cas isolé (Beaudouin, 2002). Quatre ans plus tard, la majorité dans l’arrêt Lavell a rejeté les arguments demandant de déclarer inopérante une disposition discriminatoire de la Loi sur les Indiens s’appliquant aux femmes autochtones au motif que cela rendrait la Loi sur les Indiens elle-même inopérante, puisqu’elle crée un régime spécial de droits pour les Indiens (Hogg, 2008).

Voir Aussi

Procureur général du Canada c. Lavell, [1974] R.C.S 1349

Procureur général du Canada et al. c. Canard, [1976] 1 R.C.S. 170


Sources

Baudouin Gérald A. 2002. Débats du Sénat, 1re session, 37e Parlement, Volume 139, numéro 105 (17 avril 2002).

Hogg Peter W. 1974. Comment, Canadian Bar Review 52 : 263.

Hogg Peter W. 2008. Constitutional Law of Canada, Student Edition 2008. Scarborough : Thompson Carswell.

Kulchyski Peter. 1994. Unjust Relations: Aboriginal Rights in Canadian Courts. Toronto : Oxford University Press.

Sanders D.E. 1985. The Renewal of Indian Special Status, in A. Bayefsky and M Eberts (eds.), Equality Rights and the Canadian Charter of Rights and Freedoms : ch. 12. Toronto : Carswell.

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