Cour suprême du Canada – [2005] 1 R.C.S. 21
La Cour refuse d’octroyer des intérêts aux Autochtones sur une somme retenue pour eux par la Couronne. Elle indique que l’obligation de fiduciaire de cette dernière ne peut s’appliquer à toutes les situations : « Bien que la Couronne ait, dans bien des cas, une obligation fiduciaire envers la population autochtone, c’est la nature des rapports, et non la catégorie d’acteurs en question, qui donne naissance à une obligation fiduciaire. » (para. 23).
La Couronne doit-elle payer des intérêts à Gladstone sur le montant conservé en fiducie pendant toute la durée du litige?
Non, puisque la Loi sur les pêches ne le prévoit pas et que l’obligation de fiduciaire de la Couronne n’est pas en cause ici (décision unanime).
Entre : Procureur général du Canada
Et : Donald Gladstone et William Gladstone
En 1988, Donald et William Gladstone, tous deux membres de la bande des Heiltsuk de la Colombie-Britannique, ont été arrêtés pour avoir tenté de vendre 4 200 livres de rogue de hareng en contravention de la Loi sur les pêches. L’affaire s’est rendue jusqu’en Cour suprême, où la majorité a accueilli l’appel de Gladstone et ordonné la tenue d’un nouveau procès afin de déterminer si la Couronne pouvait s’appuyer sur des objectifs de conservation pour justifier l’existence de restrictions aux droits ancestraux. La preuve ne permettait pas de tirer de conclusions à cet égard. Tout au long des procédures, le produit de la vente de rogue de hareng était détenu par la Couronne et administré conformément aux dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques.
En 1996, le ministère des Pêches et des Océans verse le produit net à Gladstone conformément au paragraphe 58(3) de la Loi sur les pêches, sans toutefois payer d’intérêts. Gladstone entreprend un recours pour réclamer des intérêts ou quelque autre montant additionnel.
La Couronne : La Loi sur les pêches constitue un code exhaustif concernant la restitution des objets saisis en vertu de ses dispositions. Elle n’est tenue de payer des intérêts que si un texte législatif ou un contrat le prévoit expressément. Puisque la Loi sur les pêches ne prévoit pas le paiement d’intérêts, la Couronne n’est pas tenue d’en payer à Gladstone. Le statut d’Autochtone de Gladstone n’est pas évoqué dans la question formulée par les parties.
Gladstone : La Loi sur les pêches ne constitue pas un code exhaustif. Puisque l’argent du produit de la vente a été reçu à une fin particulière, la Couronne possédait le pouvoir discrétionnaire de le majorer d’intérêts. La Couronne a manqué à son obligation de fiduciaire et s’est enrichie sans cause.
Voir R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723
Cour provinciale de la Colombie-Britannique (2002) : Les arguments de Gladstone, qui soutenait que la Loi sur les pêches ne constituait pas un code exhaustif concernant la restitution des biens aux parties ayant fait l’objet de saisies, sont rejetés.
Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2004) : La décision du juge de première instance est infirmée au motif que la Couronne avait un devoir de fiduciaire qui l’obligeait à payer des intérêts sur les sommes saisies. Toutefois, le statut d’autochtone de Gladstone n’était pas pertinent pour trancher la question de l’application de la Loi.
McLachlin, Major, Bastarache, Binnie, Le Bel, Deschamps, Fish, Abella, Charron
La Loi sur les pêches constitue un code exhaustif relativement aux questions de saisies. Le texte de loi est clair. Malgré une apparence d’iniquité en raison du temps écoulé pendant la procédure, seul le Parlement est en mesure de remédier à une possible injustice découlant de l’application de la Loi.
En ce qui a trait à l’allégation voulant que la Couronne ait une obligation de fiduciaire envers Gladstone, ce dernier n’a pas invoqué son statut d’autochtone dans le cadre de sa requête. De plus, ce statut d’Autochtone n’aurait pas changé le résultat final de l’appel.
L’obligation de fiduciaire de la Couronne ne s’applique pas automatiquement à toutes les situations impliquant des Autochtones, car elle découle plutôt de la nature de la relation créant une telle obligation. Le régime de la Loi sur les pêches est une mesure d’application générale qui ne donne pas ouverture à l’application de l’obligation de fiduciaire de la Couronne.
R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723