Easterbrooke c. The King

Cour suprême du Canada – [1931] R.C.S 210


Québec Terres réservées pour les Indiens
Sommaire

La Cour juge que les Indiens ne peuvent pas vendre les terres réservées pour eux à quiconque excepté la Couronne, et que cela inclut aussi la location. Les Indiens ne peuvent donc pas louer leurs terres directement, sans passer par la Couronne du Canada.

Question

Une bande peut-elle louer une partie de sa réserve à un non-autochtone, ou cet acte est-il frappé d’une nullité?

Décision

Non, la bande ne possède pas le pouvoir de louer une partie de sa réserve (décision unanime).

Parties

Entre : Easterbrooke (héritier de Solomon Youmans Chesley)

Et : la Couronne du Canada

Faits

En 1821, les chefs des Indiens mohawks de la réserve de St-Régis, maintenant les Mohawks d’Akwesasne, louent en leur nom et celui de la bande un terrain de 200 acres – la ferme Chesley – à un non-Indien, Salomon Youmans Chesley, et à ses héritiers pour une durée de 99 ans.

Jusqu’en 1875, le loyer est versé directement à la bande. Par la suite, le ministère des Affaires indiennes reçoit le loyer au bénéfice des Indiens et transfère l’argent à la bande de Saint-Régis. Le loyer est versé chaque année jusqu’au 10 mars 1920.

En 1920, le ministère des Affaires indiennes cesse de tolérer la présence de la ferme à l’intérieur de la réserve de St-Régis, et transmet un avis d’expulsion à l’appelant. L’appelant refuse de quitter le terrain concerné.

En 1921, l’affaire est transférée au procureur général du Canada afin qu’il récupère le terrain au nom de la Couronne.

Arguments

La Couronne du Canada : Aucune preuve n’a été présentée devant le tribunal pour prouver que le surintendant des Affaires indiennes ou le gouvernement local a reçu un préavis du contrat. Puisque la Proclamation royale de 1763 empêche les parties privées d’acheter des terres de réserve, le bail était nul. De plus, un décret du lieutenant-gouverneur du Haut‑Canada adopté en 1802 stipule qu’aucun bail de terres de la Couronne sous l’autorité des Nations indiennes ne serait autorisé.

Easterbrooke : Le bail a été inscrit dans le registre du ministère des Affaires indiennes et approuvé par un fonctionnaire du gouvernement en septembre 1875. Par la suite, le loyer a été versé au ministère au profit des Indiens, confirmant ainsi la transaction. De plus, la Proclamation royale de 1763 ne s’applique pas au contrat, puisque les 200 acres n’ont pas été vendues, mais louées.

Décisions des tribunaux inférieurs

Cour de l’Échiquier du Canada (1929) : Le bail était nul puisque les chefs n’avaient pas le pouvoir de conclure un contrat avec l’ancêtre de Easterbrooke. La Couronne avait le droit de reprendre possession de la ferme et de recevoir 400 $ en dommages-intérêts par an depuis la date de l’avis d’expulsion jusqu’au moment de la remise des terres. La demande de compensation d’Easterbrooke pour les améliorations effectuées sur les terres est refusée.

Motifs

Jury

Anglin, Duff, Newcombe, Lamont, Cannon

Raison

La Cour retient l’argument de la Couronne concernant la validité du bail. Elle décide que la Couronne avait le droit de reprendre possession du terrain. En s’appuyant sur l’affaire St. Catherine’s Milling, le juge conclut que la bande ne possédait pas le pouvoir de louer une partie de sa réserve. De plus, le bail contrevenait à la Proclamation royale de 1763 qui interdit aux Indiens de vendre leurs terres à d’autres qu’à la Couronne britannique, ainsi qu’au décret de 1802 du lieutenant‑gouverneur du Haut‑Canada et à la Loi sur les Indiens. L’acceptation de l’argent du loyer par le ministère des Affaires indiennes ne pouvait être interprétée comme une acceptation du bail, puisque la transaction était nulle dès le départ.

De plus, Easterbrooke n’avait droit à aucune compensation pour les améliorations apportées aux terres. La Couronne n’avait aucune obligation légale ou contractuelle, et elle n’avait jamais pris d’engagement à cet effet.

Par conséquent les conclusions de la Cour de l’Échiquier devaient être maintenues.

Impact

La Loi sur les Indiens permet aux bandes de « désigner » des terres qui continueront de faire partie de la réserve à la suite d’une cession à la Couronne. Elle prévoit aussi des exceptions à l’interdiction de vente de terres de réserve.

Par exemple, le ministre des Affaires indiennes, avec le consentement de la bande, peut délivrer à un non-Indien un permis pour une période maximale d’un an l’autorisant à occuper des terres de réserve ou à résider sur une partie d’une réserve. Il peut également louer au profit d’un Indien la terre dont ce dernier est en possession légitime. Les terres de réserve peuvent aussi être aliénées pour cause d’utilité publique, à un conjoint survivant et à des fins agricoles.

Voir Aussi

Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S 335

Bande indienne de Musqueam  c. Glass, [2000] 2 R.C.S. 633

Bande indienne des Opetchesaht  c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 119

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