Cour suprême du Canada – [1968] R.C.S. 517
Accusé d’avoir chassé des oiseaux migrateurs en contravention d’une loi du Canada, Paul Daniels a plaidé que la Convention sur le transfert des ressources naturelles du Manitoba, qui prévoyait que la province ne pouvait limiter le droit des Indiens de chasser, lui fournissait une immunité.
La Cour suprême a pourtant jugé que la Convention limitait seulement l’application des lois provinciales à l’égard des Indiens et ne s’étendait pas aux lois fédérales.
Le paragraphe 13 de la Loi des ressources naturelles du Manitoba dispense-t-il les Indiens d’obéir à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et aux règlements établis en vertu de cette loi?
Non – ce paragraphe vise seulement les lois adoptées par la province, et pas les lois fédérales. Aussi, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs s’applique aux Indiens (5 juges contre 4).
Entre : Paul Daniels
Et : la Couronne et Ronald Addison White
En 1870, le Manitoba rejoint la Confédération en tant que cinquième province par l’application de la Loi sur le Manitoba. Malgré l’article 109 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui accorde à chaque législature provinciale le contrôle sur les terres de la Couronne situées à l’intérieur de ses frontières, la Loi sur le Manitoba stipule que les terres de la Couronne dans la nouvelle province et les ressources naturelles qu’elle renferme seront administrées par le gouvernement fédéral.
En 1917, le fédéral adopte la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Elle met en vigueur une convention internationale conclue entre le Canada et les États-Unis concernant la protection des oiseaux migrateurs.
En 1929, la Convention sur le transfert des ressources naturelles du Manitoba, ratifiée par la Loi des ressources naturelles du Manitoba, est conclue entre les gouvernements du Canada et du Manitoba dans le but de céder la gestion des terres de la Couronne et des ressources naturelles à la province. Le paragraphe 13 de cette convention stipule le Canada consent à ce que les lois relatives au gibier en vigueur dans la province s’appliquent aux Indiens, mais que la province devra s’assurer qu’ils puissent continuer de chasser, piéger et pêcher pour se nourrir.
En 1964, Paul Daniels, un membre de la bande indienne Chemahawin résidant dans la réserve indienne de Chemahawin au Manitoba, a été inculpé de possession illégale d’oiseaux migrateurs, en contravention des règlements adoptés en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.
Daniels : Le paragraphe 13 de la Convention le dispensait d’obéir à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et aux règlements établis en vertu de cette loi, puisqu’il prévoit que les Indiens pourront continuer de chasser.
La Couronne : La Convention ne donne pas d’immunité à Daniels, et il est coupable en vertu de la Loi sur les oiseaux migrateurs.
Cour de comté du Manitoba : Daniels est acquitté.
Cour d’appel du Manitoba (1966) : Daniels est coupable. La Loi sur les oiseaux migrateurs est une loi d’application générale dans l’ensemble du Canada pour mettre en vigueur une convention internationale. Elle a préséance sur l’entente conclue entre le Manitoba et le gouvernement fédéral. Le juge dissident a écrit que l’entente prévalait sur la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, car même si la loi est d’application générale dans l’ensemble du pays, elle a un effet différent dans chaque partie du Canada.
Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Pigeon
Le paragraphe 13 de la Convention ne dispensait pas Daniels d’obéir à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et aux règlements établis en vertu de cette loi. En fait, le but de la Convention était de transférer des terres en imposant des obligations et des restrictions spécifiques à la province, mais non à la Couronne fédérale.
Le paragraphe 13 de la convention s’applique uniquement aux lois provinciales. Pigeon a ajouté que la loi impose à la province des obligations pour protéger l’utilisation des ressources afin que tous ses habitants, y compris les Indiens, puissent en profiter. Cet objectif est partagé par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et par conséquent, les restrictions qu’elle contient s’appliquent aux Indiens.
En 1995, la Convention sur la protection des oiseaux migrateurs entre le Canada et les États-Unis a été modifiée par l’adoption d’un nouveau protocole intégré dans la législation canadienne par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994.
La nouvelle Convention reflète l’évolution du droit autochtone, tout particulièrement depuis l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Elle reconnait aux peuples autochtones du Canada le droit de récolter des oiseaux migrateurs et leurs œufs tout au long de l’année pour se nourrir, et pour faire l’objet d’échange, de commerce ou de vente au sein des communautés autochtones (Protocole, article II, 4 (a)(i)). Le protocole est entré en vigueur en 1999.
Kruger et al. c. La Reine [1978] 1 R.C.S. 104
R. c. Horse, [1988] 1 R.C.S. 187
Myran c. R., [1976] 2 R.C.S. 137
Cardinal c. Procureur général de l’Alberta, [1974] R.C.S. 695
Protocole entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique visant à modifier la Convention de 1916 conclue entre le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique pour la protection des oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis, Can. T.S. 1999 No. 34, préambule, Art. II
Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, 1994, L.C. 1994, c. 22
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